Diagnostic et dépistage

1. Diagnostic chez l'enfant

Personne ne sait quels gènes seront transmis. Parmi les 30 000 gènes présents dans notre organisme, plusieurs d'entre eux sont inactifs mais nous ne savons pas lesquels. Lorsqu'une mutation spontanée se produit et qu'un enfant reçoit le diagnostic d'hémophilie, la famille a besoin d'un soutien adapté à la situation, en particulier s'il n'y a pas de porteur du gène de l'hémophilie connu dans la famille. Le centre de traitement de l'hémophilie (CTH) est en mesure d'offrir un soutien inestimable à la famille grâce à une équipe de spécialistes qui la guideront à chaque étape du développement de l'enfant. Le CTH organisera également des rencontres entre la famille et des conseillers en génétique et/ou des travailleurs sociaux.

2. Dépistage des autres membres de la famille

Il est à présent possible d'analyser des échantillons d'ADN prélevés chez des personnes atteintes d'hémophilie et chez des personnes porteuses du gène connues ou inconnues, afin de vérifier la présence d'une mutation. Ce type d'analyse est utile car il peut révéler la mutation exacte qui s'est produite et fournir des indications sur le traitement à administrer. Il n'est pas nécessaire d'effectuer des analyses auprès de tous les membres de la famille. Dans une famille qui ne présente pas d'antécédent d'hémophilie, seule la personne atteinte de la maladie devra passer des tests.

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3. Diagnostic chez l'adulte porteur du gène

Dans une famille qui ne présente pas d'antécédent d'hémophilie, on recherche habituellement des porteurs du gène à la suite d'un diagnostic de trouble hémorragique chez un bébé ou un jeune enfant. Lorsqu'un parent apprend qu'il est porteur du gène de l'hémophilie, il peut passer par toute la gamme des émotions, allant de l'incrédulité au refus, en passant par la tristesse et la colère. Cette nouvelle provoque souvent un état de choc chez les parents qui s'inquiètent pour leurs autres enfants et les autres membres de leur famille. Dès qu'un trouble hémorragique est soupçonné chez un enfant, les professionnels de la santé discutent avec la famille de la possibilité d'effectuer un dépistage génétique afin de déterminer si un membre de la famille est porteur du gène de l'hémophilie. En plus de proposer ce test, ils peuvent également recommander une consultation de suivi auprès d'un conseiller en génétique ou d'un médecin de famille, et diriger la famille vers un centre de traitement de l'hémophilie.

4. Consultation génétique pour les frères et sœurs, et la famille élargie

Dans une famille qui ne présente pas d'antécédents d'hémophilie, l'inquiétude des parents peut être accrue si, par exemple, ils ont une fille aînée, car elle pourrait être porteuse du gène. À ce moment, les renseignements et le soutien fournis par des professionnels de la santé compétents sont essentiels. À un certain moment, les parents se demanderont s'ils doivent soumettre leur fille à un test de dépistage et de quelle façon la nouvelle qu'elle est porteuse du gène l'affectera, si elle présentera des symptômes ou si elle transmettra le gène muté à ses enfants. Chaque famille a sa propre manière de faire face à ces difficultés.

La décision des parents de poursuivre la détermination des porteurs du gène entraîne des répercussions sur l'ensemble de la famille étendue et nécessite donc une réflexion et une discussion approfondies. Un résultat positif au test de dépistage pourrait influer sur le choix d'une sœur d'avoir ou non des enfants, ou semer le doute chez des sœurs peut-être déjà enceintes ou ayant des enfants. De plus, le dépistage génétique visant à déterminer les porteurs potentiels du gène peut préoccuper la famille d'origine de même que la belle-famille. Les conseillers en génétique peuvent fournir des stratégies sur la façon d'informer les autres femmes de la famille présentant un risque, telles que les sœurs, les filles ou les cousines. À la demande des parents, la plupart des travailleurs sociaux et des conseillers en génétique rencontreront la famille étendue.

Interrogées dans un sondage visant à recueillir des renseignements sur leurs pensées et sentiments, des femmes ayant des enfants atteints d'hémophilie, étant porteuses du gène ou ayant des filles potentiellement porteuses du gène ont déclaré que la connaissance était la clé du succès dans la prise en charge du trouble. Les centres de traitement de l'hémophilie, les conseillers en génétique et l'Association belge de l'hémophilie, de même que les personnes qui sont atteintes de troubles hémorragiques, constituent une excellente source de connaissances et de soutien pour les parents.

5. Diagnostic prénatal

L’enfant hémophile sévère au sein d’une famille entraîne automatiquement de la part des futures mamans la question suivante : « Suis-je conductrice ?». Le médecin peut donc être amené à orienter la mère dans sa recherche et à l’adresser aux interlocuteurs spécialisés.

Avant la grossesse

Le dépistage d’une conductrice s’effectue, de préférence avant toute mise en route d’une nouvelle grossesse. Plusieurs examens seront nécessaires pour confirmer le diagnostic ; une consultation auprès d’un généticien, un bilan biologique standard et une étude en biologie moléculaire des différents sujets de la famille, choisis selon l’arbre généalogique. Dans un chapitre précédent nous avons expliqué que lorsque la mère est conductrice du gène anormal elle a 50% de risque de transmettre la maladie à son fils et 50 % de risque de transmettre le gène anormal à sa fille.

L’identification des conductrices est également importante afin de déterminer et adapter la prise en charge médicale pendant la grossesse et surtout lors de l’accouchement. Certains couples, pour qui le risque de transmission du gène anormal a été identifié, choisissent d’avoir recours à des techniques médicales lors de la conception.  Le but est d’écarter, en fonction des différentes techniques, les embryons/ovules ou spermatozoïdes porteurs du gène anormal et d’éliminer le risque de concevoir un enfant hémophile.

  • La fertilisation in vitro (FIV) : on prélève les ovules de la femme et on la fertilise avec le sperme du conjoint in vitro. Ensuite on effectue des tests sur l’embryon qui s’est développé pour déterminer s’il porte le gène anormal. Seuls les embryons qui ne contiennent pas le gène anormal sont alors implantées dans l’utérus de la mère.
  • FIV avec don d’ovules : ici on utilise les ovules d’une donneuse qui n’est pas conductrice. De cette façon la maman ne risque pas de transmettre le chromosome avec le gène anormal de l’hémophilie.

Pendant la grossesse

Détermination du sexe du bébé (lorsque la conception s’est faite naturellement sans intervention médicale). Il est important de savoir s’il s’agit d’un garçon ou d’une fille. En effet, lorsque c’est une fille, même si elle est porteuse du gène anormal, le risque que le bébé saigne pendant l’accouchement est faible. Le diagnostic prénatal d’hémophilie est moins nécessaire lorsqu’il s’agit d’une fille.

Il y a deux méthodes :

  1. Prélèvement de sang de la mère à 8 semaines de gestation: En effet le sang de la maman contient du matériel génétique du foetus. Ce test ne se fait que dans des centres spécialisés.
  2. Échographie: ce test d’imagerie permet de déterminer le sexe à 15 semaines de grossesse. Il peut être combiné avec une amniocentèse ou une BVC (Biopsie des villosités choriales).

Dépistage de l’hémophilie chez le foetus

On peut déterminer avant la naissance si le garçon à naitre sera atteint d’hémophilie au moyen des méthodes (dites invasives) suivantes :

  1. Biopsie des villosités choriales (BVC): Cette procédure s’effectue entre la 11e et la 14e semaine de grossesses et consiste à prélever des cellules des villosités choriales du placenta (trophoblastes) au moyen d’une ponction intra-utérine sous contrôle échographique (Fig. 1). Ces cellules contiennent la même information génétique  que le foetus et on peut les utiliser pour déterminer si le foetus est porteur du gène anormal.
  2. Amniocentèse (Fig. 2): Cette procédure peut avoir lieu entre la 15e et la 20e semaine de grossesse. Une aiguille fine est insérée à travers l’abdomen jusque dans l’utérus et une petite quantité de liquide amniotique qui contient des cellules qui ont été éliminées par le foetus est prélevé pour analyse. Le risque de fausse couche associée à la BVC est de 1-2% et à l’amniocentèse est inférieure à 1% (0,5% à 1%) (réf. Textbook for hemophilia, Second edition)
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Fig. 1: Biopsie des villosités choriales (trophoblastes) entre la 11e et la 14e semaine.
 

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Fig. 2: Amniocentèse entre la 15e et la 20e semaine.

6. Partager cette expérience avec les autres

Les autres membres de la famille, les amis et le personnel soignant ont parfois peur de prendre soin d'un enfant atteint d'hémophilie. Il est essentiel que les parents reçoivent le soutien et l'aide dont ils ont besoin de la part de leur famille immédiate et des autres membres de leur communauté. Les centres de traitement de l'hémophilie peuvent aider les parents à expliquer la situation à la famille, aux amis et aux autres personnel soignant, afin de les rassurer et de les intégrer au réseau de soutien aux parents. Les frères et sœurs d'enfants atteints d'hémophilie sont souvent les plus bouleversés par le diagnostic. Ils peuvent avoir leurs propres inquiétudes de nature médicale et redouter les changements que cette nouvelle situation peut provoquer dans la dynamique familiale. Ils font souvent état de leur colère et de leur jalousie envers leur frère atteint du trouble ou leur sœur porteuse du gène, du fait de l'attention supplémentaire qu'il ou elle reçoit de la part de leurs parents. Ces sentiments négatifs à l'égard de leur frère ou de leur sœur font souvent place à un sentiment de culpabilité. Il est très important pour les frères et sœurs d'en apprendre davantage sur la maladie et d'être en mesure de participer activement à sa prise en charge. Il est parfois nécessaire de faire appel à un travailleur social ou à un conseiller familial afin d'aider les frères et sœurs d'un enfant atteint d'une maladie chronique.

7. Les nouveaux cas d'hémophilie?

Le nombre de nouveaux cas d'hémophilie dans le monde restera probablement constant au cours des prochaines années. Des données probantes indiquent à présent que les cas de mutation spontanée sont causés par de nouvelles modifications du code génétique humain. Ces modifications surviennent constamment, chez chacun d'entre nous. Dans de rares cas, la modification génétique touche une région du code qui contrôle la production de certains facteurs de coagulation, menant ainsi à un nouveau cas d'hémophilie. Comme le nombre de nouveaux cas demeure le même et que les personnes atteintes de la maladie vivent plus longtemps, le nombre total de personnes atteintes d'hémophilie augmentera très probablement au cours de la prochaine décennie. Heureusement, les enfants qui naissent avec l'hémophilie aujourd'hui en Belgique peuvent s'attendre à une vie saine et active. Leur espérance de vie est presque normale. Ils peuvent travailler, avoir des enfants et les voir grandir.

8. L'avenir

Un diagnostic inattendu d'hémophilie peut être une expérience angoissante. Grâce à la formation et au soutien, les parents peuvent apprendre à gérer les aspects médicaux de la maladie de leur enfant et à relever les défis de l'hémophilie. Une collaboration étroite avec l'équipe du centre de traitement de l'hémophilie et l'Association belge d'hémophilie apportera un soutien médical et affectif au patient ayant récemment reçu le diagnostic d'hémophilie ainsi qu'au porteur du gène. Tous les parents ont besoin de temps pour accepter le fait que leur enfant est atteint d'hémophilie. Leur attitude envers le trouble influence l'adaptation de leur enfant à sa situation. Un comportement positif aidera énormément l'enfant à accepter certaines limites imposées par la maladie, sans qu'il se sente «différent». Toutefois, une fois que les parents se sont adaptés à la nouvelle situation, il est important qu'ils acceptent le soutien qui leur est offert et qu'ils prennent plaisir à guider leur merveilleux enfant à travers les tribulations de chaque étape de la vie.